Une histoire de contentement – Le jour où j’ai troqué le bon contre le mauvais

Que la Paix soit sur toi,

Avec la grisaille de l’hiver, j’ai attendu impatiemment les beaux jours pour promener bébé et reprendre la course à pied que j’affectionne tant. Confinement oblige, la réalité est différente de ce que j’imaginais, et il m’est arrivé de penser « Quel dommage de ne pas pouvoir sortir alors qu’il fait enfin beau dehors. »

Je l’ai pensé, puis je me suis repris et ai regretté ces pensées. Allah en a voulu ainsi, et il y a un très grand bien derrière cette épreuve. Qu’Allah me préserve de l’ingratitude. Ma réflexion manquait de confiance en Allah et de contentement. Je vis dans les bienfaits et je me suis permis de me « plaindre » de ne disposer dans l’immédiat d’un bien supplémentaire. Cela m’a replongé dans une histoire que j’ai vécu et que je ne suis pas près d’oublier.
 

Une année d’études en Suède

Durant mes études supérieures, j’avais réalisé un échange académique Erasmus d’un an en Suède dans une université réputée à Göteborg. Ce pays me fascinait, j’avais toujours rêvé de contempler les aurores boréales en hiver et le soleil de minuit en été, de visiter les innombrables lacs, forêts et champs qui s’étendent à perte de vue, de profiter de l’atmosphère paisible en Suède où règnent l’ordre et la propreté.

Je souhaitais également compléter mon cursus académique avec des matières auxquelles je n’avais pas accès en France. C’était aussi la chance de perfectionner mon anglais et de côtoyer des personnes aux nationalités, sensibilités et parcours très divers. Plus de 50 pays étaient représentés sur le campus et pratiquement tout le monde parlait anglais.

Le campus universitaire était grandiose, une ville dans la ville. Les différents départements (mathématiques, sciences humaines…) se côtoyaient, chaque jour était l’occasion de se perdre au milieu de tous ces étudiants. Une chose m’avait particulièrement touchée. Il y avait une petite mosquée dans l’enceinte de l’établissement, un très beau lieu de recueillement et de quiétude. J’étais profondément ému par la tolérance et l’ouverture d’esprit du peuple suédois. La prière du vendredi était organisée toutes les semaines dans le gymnase de l’université. Il n’était pas rare de prier entre un professeur et un agent d’entretien du campus.

Logement d’étudiant à faible budget

Le cadre était magnifique, mais la situation d’étudiant peut pour certains être précaire et compliquée financièrement. Me concernant, j’avais estimé que mes frais de vie allaient être importants, le coût de la vie à Göteborg étant élevé. Tout était cher mais je ne voulais pas être une charge pour mes parents qui avaient leurs préoccupations. Ma bourse d’études devait me suffire pour couvrir tous mes besoins. J’avais donc mis à la rentrée, une bonne semaine pour trouver le logement adéquat, peu cher et suffisamment confortable. Le mieux que j’avais réussi à trouver à mon budget était une petite chambre de 5m², « chez l’habitant », au sein d’une résidence un peu excentrée de la ville.

Je logeais en colocation avec le propriétaire et un étudiant danois. On se respectait, chacun avait sa chambre et son coin dans le frigo. L’appartement était à l’orée d’une forêt et d’une petite montagne. Je prenais plaisir à aller courir régulièrement. Le cadre de vie semblait très bon, tout était propice à une année épanouie et réussie.

Malgré la longueur excessive des trajets matin et soir, globalement tout se passait bien et le cadre était idyllique. Quelques premières difficultés se firent ressentir, liées à la vie en collocation, mais ça passait. Je n’étais pas habitué à vivre avec autant de promiscuité, où les frontières de l’intime étaient brouillées. Puis certains aspects devinrent dérangeants et je n’étais plus à l’aise.

Quelques désagréments…

Je patientai sur la majorité des désagréments. Par exemple relatifs au bruit, moi qui ai besoin de calme pour m’épanouir. Mais d’autres aspects commençaient à peser, et je me focalisais de plus en plus sur le négatif, alors qu’avec du recul, le positif était bien plus présent. Si je donne autant d’importance à ce détail, c’est pour mieux comprendre ce qui va suivre.

Paysage neige en Suède

L’année se passa très bien. A quelques jours de la fin des cours, je fus tenté par un camarade : “Ça te dirait de faire une colocation avec moi ? Je loge avec de bons amis et une place se libère. Comme tu habites très loin, j’ai pensé que ce serait bien pour toi si tu emménageais avec nous”.

La proposition était tentante, il avait trouvé les mots justes pour me la faire considérer. Ce n’était en réalité pas raisonnable de donner suite, les cours finissaient dans un mois et je ne regrettais pas du tout le cadre naturel dans lequel je vivais. Mais sur le moment, ma raison était en mode « off » et je pensai à mon trajet du matin qui était bien trop long et à mes petits tracas du quotidien. Le loyer proposé était 30€ moins cher, mon compte se vidait, les colocataires étaient apparemment gentils et attentionnés, et l’appartement était bien plus proche du campus.

Pourquoi mon esprit faillit à considérer les aspects positifs de ma situation, et mit de côté toutes les faveurs dans lesquels je baignais… je ne saurais dire.

J’acceptai donc sa proposition. Le lendemain je pris congé auprès de mon propriétaire, qui trouva regrettable que je parte aussi promptement. Mais j’organisai mon déménagement. Je me rendis dans le nouvel appartement.

A peine arrivé, mon camarade me présenta au propriétaire. Sans détour, ce dernier me réclama le loyer à payer d’avance et m’indiqua deux matelas au milieu du salon… J’avais le choix entre celui de droite ou celui de gauche. Je trouvai cela un peu abrupt mais décidai de patienter. La cuisine était petite. Il n’y avait qu’une seule chambre occupée par deux personnes.

Descente infernale…

Je découvrais encore les lieux quand j’appris de mon camarade de classe, avec le sourire, qu’il quittait l’appartement et prenait son avion 2 jours plus tard. Oulah, c’est maintenant qu’il me le dit… mais avec qui j’allais rester, ce n’était pas exactement ce qui m’était présenté…
Je tentai de rester optimiste mais les choses allaient de mal en pis.

Le premier jour,

je décidai de faire un tour dans le nouveau quartier. Je fis mes courses pour un mois entier, en utilisant tout mon budget restant. L’idée était de tenir avec ces courses jusqu’à la fin des cours, et me concentrer sur mes examens.

Le deuxième jour,

je rentrai de l’université. La télé était allumée, du contenu choquant était diffusé. Le salon, où étaient notamment toutes mes affaires, était rempli d’inconnus. Certains fumaient au balcon. A ce moment là, je me demandai si j’étais au bon endroit..

Un des nombreux locataires m’invita à venir manger. C’était attentionné, me dis-je. Mais quelle ne fut ma surprise de voir qu’une grande partie des provisions achetées la vielle avait été consommée, sans la moindre vergogne. Je devais m’estimer heureux d’avoir été invité à y goûter.

Le troisième jour,

un des jeunes hommes me fit une curieuse proposition : “Tu peux me donner ta carte d’identité ou ton passeport ? Tu pourras ensuite faire les démarches dans ton pays pour refaire ta pièce d’identité”. Il était sérieux. Très sérieux, même. J’appris plus tard qu’il était en situation irrégulière. J’allai dormir cette nuit-là avec mon portefeuille dans la poche. Ou tenter de dormir, dans le bruit assourdissant de la télé que j’évitai à tout prix du regard.

Le quatrième jour,

je rentrai tardivement de l’école, très fatigué, et trouvai une personne en train de dormir sur mon matelas.

Le cinquième jour,

un des colocataires me demanda de lui prêter mon ordinateur. Je le lui laissai, content de pouvoir rendre service. Dès le lendemain, il était infecté de virus, et j’appris rapidement qu’il avait été utilisé à des fins que je ne pourrai citer en ce mois béni de Ramadan.

Le sixième jour,

des travaux furent entamés sur la ligne de tramway qui passait devant l’appartement. L’accès à l’université n’était plus aussi rapide, et requérait désormais un énorme détour. Mon temps de trajet était doublé, c’était comme si j’habitais aussi loin que mon premier domicile.

Le septième jour,

en voulant faire mon linge, j’appris que l’immeuble ne disposait pas de machine à laver. C’était pourtant la norme partout ailleurs. Pas de laverie à proximité.

Bref, à ce moment là je regrettai amèrement d’avoir changé d’appartement aussi bêtement. J’avais troqué une place confortable contre une autre invivable. Ma crainte en journée était de devoir rentrer le soir et avoir une nouvelle mauvaise surprise. J’appris à la dure que j’aurais dû me satisfaire de ce que j’avais et remercier Allah pour cela.

« Echangez-vous le meilleur pour le moins bon ? »

« أَتَسْتَبْدِلُونَ الَّذِي هُوَ أَدْنَى بِالَّذِي هُوَ خَيْرٌ «

Sourat al baqara, verset 61

Mais alhamdoulillah, je m’en remis à Lui pour trouver des solutions afin de finir mon séjour dignement.

La première semaine dans ce nouvel appartement avait été difficile. Non c’était une descente infernale. Cela ne diminuait en rien le charme de mon expérience académique et l’excellente année que j’avais passé. Mais ces derniers jours avant de retourner en France étaient une grande épreuve à surmonter. Il me restait moins d’un mois à finir, j’étais en période d’examens. Il me fallait une solution. Je m’étais mis tout seul dans cette situation indélicate.

Je regrettai et m’en remis complètement à Lui.

L’année arrivant à son terme, il n’était plus possible de retourner à mon ancien logement. Il n’y avait rien de disponible en terme de location pour une aussi courte période, et j’avais payé en avance le loyer. L’hôtel n’était pas envisageable, je n’en avais pas les moyens.

La solution qui me restait était à la hauteur de la leçon apprise. L’école restait ouverte 24h/24 et disposait d’une mosquée, de douches, d’une piscine. J’avais un sac de couchage, et tout ce que je voulais était la sécurité, le calme et la concentration pour réussir mon année.

En écrivant ces lignes, je me rends compte de l’absurdité de ce que je suis sur le point d’écrire mais sur le moment, c’était la délivrance.

Tu l’as bien deviné, j’avais passé les dernières semaines à dormir le plus possible à l’école, de manière non-officielle bien entendu. Je retournais dans l’appartement cuisiner un maximum de plats à emporter que je mangeais progressivement à l’école. J’étudiais le jour et le soir, je dormais la nuit, personne ne se doutait de rien.

C’est une situation abérrante, mais c’était le prix de la leçon que je devais apprendre, à savoir être reconnaissant pour les bienfaits d’Allah et ne pas troquer le supérieur contre l’inférieur. Cette situation indélicate m’était préférable à ce que j’avais vécu la première semaine, baigné dans les péchés et l’interdit. Le temps passa très vite. Mon année se termina et al hamdoulillah, je pus rentrer chez moi en France. Mon lit et ma chambre m’avaient terriblement manqués.

En te racontant cette histoire, je me rends compte de la bizarrerie de la situation. Au delà de mon côté naïf et insolite, je tire une grande leçon de mon expérience en Suède.

Le message est désormais gravé : Patience, contentement, reconnaissance.

J’espère que cette histoire t’a plu, je te dis à bientôt inchaAllah.

Happy muslim family

4 Commentaires

  1. Holstensson Linda

    As Salamu Alaykum ! Merci pour ce partage .. Les cœurs se polissent parfois en étant frottés dans l’inconfort.
    Que Allah vous garde et qu’Il protège votre famille,
    Une suédoise 🙂

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    • Happy Muslim Mom

      Wa alekoum salam 🕊
      Merci à toi ! Amin, qu’Allah te protège ainsi que tes êtres chers.
      La Suède est vraiment un beau pays avec de belles personnes. 🇸🇪

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  2. Oum Younous

    Belle leçon d’humilité !

    Merci de nous avoir partagé cette expérience, qui me rappelle des enseignements tirés aussi de voyages. Ces derniers sont très propices à la réflexion…

    Qu’Allah vous préserve

    Réponse
    • Happy Muslim Mom

      Tout à fait… Le voyage permet de (se) découvrir.

      Réponse

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