L’histoire des cordonniers

Que la Paix soit sur toi,
Je vais te raconter une histoire que j’ai vécue, d’attachement et de détachement. Une histoire de rizq, la source de subsistance donnée par Allah le Très-Haut. L’histoire d’un attachement aux biens de ce monde qui a éloigné un rizq. Et d’un détachement qui a ramené un rizq insoupçonné.
 

Au commencement

L’histoire se produisit quand j’étais étudiante en école d’ingénieurs. Étrangère, seule, idéaliste.
J’avais commencé à gérer mon propre argent pour la première fois, et je prenais conscience de la nécessité d’avoir une bonne gestion et d’éviter le gaspillage. Mes parents m’envoyaient de l’argent en quantité plus que suffisante, mais je faisais tout de même très attention et limitais les achats futiles, afin d’être en mesure de donner plus aux personnes et aux causes qui me tenaient à cœur.

Un jour, une chaussure à moi s’abîma. Je voyais qu’elle était (très) facilement réparable, mais je n’avais aucun outil pour le faire moi-même. Écologiste dans l’âme, je décidai de chercher un cordonnier plutôt qu’immédiatement racheter une paire. Ce métier tombait en désuétude en France, je savais qu’il me faudrait chercher.
Mon intention était aussi de soutenir un cordonnier que j’aurais trouvé, en me disant que son activité avait dû bien baisser ces dernières années. Je sortis donc, avec cette intention de le soutenir en lui achetant un service de réparation, mais aussi en restant attentive et observatrice afin de repérer un autre moyen de l’aider et de lui apporter du bien. Après une longue recherche, j’en identifiai un en ligne et fis un détour de 30 minutes pour me rendre à son échoppe.
 

Le premier cordonnier

Sur la porte d’entrée, une annonce était affichée et indiquait qu’il avait besoin de recruter une aide administrative à bas prix. J’étais heureuse, je rentrai dans la boutique avec l’intention de lui proposer de prendre en charge gratuitement ses soucis administratifs, qui pour moi étaient un jeu d’enfant.
Je rentrai dans l’échoppe, le saluai. Je lui tendis la chaussure et demandai le prix de réparation…
 

 
… je lui demandai le prix de réparation. 50€. Je lui répondis, respectueusement, que c’était le prix de la paire et que ça me paraissait un peu cher pour la réparation attendue.
Il ne me répondit pas et me fit alors sèchement un signe de la main m’indiquant la porte.
Et c’est ainsi qu’il ferma lui-même une porte de rizq qui a fait un grand détour pour venir jusqu’à lui, et qui aurait pu lui apporter bien plus que 50€.
Un tel irrespect pour une modique somme me démontra que cette personne ne méritait pas le rizq qui transitait par moi. Je veillerai à le cheminer à une personne bienveillante, qui a des valeurs et qui n’est pas aveuglée par l’argent ou autre divinité moderne. Quel gâchis. Il m’avait repoussée avec dédain pour quelques sous, alors qu’il ne verrait peut-être jamais plus allergique à l’argent que moi.
Je donne tout l’argent que je peux, et j’offre sans compter mes compétences, mes connaissances et mon temps, qui valent souvent encore plus. Mais Allah donne à qui Il veut.
Je l’imaginai ensuite se plaindre de l’activité en baisse, des faibles revenus, des frais, des impôts, de la vie, que sais-je. Allah seul sait. Ce dont je suis sûre est que son attachement à l’argent lui a fait perdre de l’argent, une opportunité d’avoir gracieusement ce qu’il convoitait, mon estime, et peut-être l’agrément d’Allah Le Sublime.
J’avais émis l’intention d’aider un cordonnier autant que je le pouvais, par mon argent, mon temps et mes compétences. Finalement, par son attachement à l’argent et son mauvais comportement, il a fermé lui-même une porte de rizq qui a fait le détour pour venir jusqu’à lui.
Sur le chemin du retour, une image me vînt à l’esprit. Elle apparut brusquement. Un vieux cordonnier qui exerce dans le quartier de ma grand-mère, dans une petite ville au Maroc. Il n’a pas d’échoppe, mais un petit stand, et est toujours au même endroit, en dehors des horaires de prière, avec son sourire affable, à saluer quiconque passe près de lui. Je décidai alors de reporter la réparation de ma chaussure à mes prochaines vacances au Maroc, prévues quelques jours plus tard. Et c’est ce que je fis.
 

 

Le deuxième cordonnier

… Je trimballai la chaussure jusqu’à un autre continent, en espérant la faire réparer par cet homme en particulier, lui apporter son rizq. J’étais heureuse à cette idée.
Mais me remémorant ma première expérience, des idées sombres venaient, se bousculaient, et je les chassai aussitôt : « Et si encore une fois, tu étais en train de faire un gros détour, juste pour être déçue ? Est-ce que ça mérite, tout ça, ne veux-tu pas voir que les gens sont ingrats, mauvais ? Tu t’investis et tu mets tout ton cœur dans une intention de faire le bien, imagine qu’elle soit mal accueillie et que ça te blesse ? Ne devrais-tu pas te préserver des déceptions, des blessures ? N’apprends-tu jamais rien, petite naïve ? »
C’était le wasswass, les insufflations du diable, qui voulait me dissuader de faire un bien pour me « protéger ». Mais j’ai toujours préféré être déçue et blessée, que de cesser de faire du bien. Cette vie est tellement courte, j’ai peur d’un jour où le regret ne serve à rien.
Le jour vint où je me rendis dans la ville de ma grand-mère. Après des retrouvailles chaleureuses, je descendis avec ma tante pour réparer la chaussure. Le vieux cordonnier nous salua et nous sourit avant même de savoir qu’on venait le voir.

Je lui montrai la chaussure, et il la répara en 30 secondes et avec un clou. Je lui demandai le prix, il me répondit : « Donne ou ne donne pas, ma fille, ce n’est qu’un clou. »
Lui qui était réellement dans le besoin, ne réclamait rien. Je voyais en lui un sincère détachement à l’argent et voulais le vérifier.
Je lui donnai un dirham, un seul, soit moins de 10 centimes d’euro. Il me remercia chaleureusement et invoqua pour moi.

Il n’avait rien négocié, ne s’était pas plaint et me remercia. Mon cœur tremblait de joie devant sa richesse, la richesse de son âme. Je lui tendis alors un billet de 200 dirhams, soit moins de 20€. Pour moi ce n’était rien, mais ce billet bleu était le plus cher dans la devise marocaine, et il n’en voyait que très rarement. Il jura de ne pas le prendre, se débattit, disait qu’il n’avait rien fait pour être aussi grassement payé. Je réussis à le glisser dans son tiroir avant de partir.
Depuis ce jour, il reçoit chaque vendredi son assiette de couscous, et il est parmi les premiers auxquels nous pensons au moment de donner la zakât ou toute autre aumône, que je ne détaillerai pas plus que cela. Il fait partie des personnes les plus proches pour lesquelles j’invoque chaque jour.
Son détachement à l’argent lui a ramené de l’argent ainsi que des biens matériels et immatériels, mais surtout une élévation auprès d’Allah et auprès des gens. Et à moi, il m’a offert une belle leçon de vie.
Qu’Allah nous élève auprès de Lui, guérisse les cœurs malades et accorde Son rizq sans compter aux personnes dont le cœur est pur.
Allah a dit :
« Dis : Certes, mon Seigneur accorde Ses largesses ou restreint Ses dons à qui Il veut parmi Ses serviteurs. Et toute dépense que vous faites. Il la remplace. Et c’est Lui le meilleur des donateurs ».
Sourate Saba (34), verset 39
 
Tu as aimé mon histoire ? Je l’aime beaucoup et je suis heureuse de l’avoir vécue.
Si elle t’a inspirée, n’hésite pas à la partager. 🌹

Happy muslim family

3 Commentaires

  1. Oum Younous

    Incroyable histoire soubhan Allah ! Qu’Allah nous compte parmi les reconnaissants

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    • Happy Muslim Mom

      Amiiin, la reconnaissance est devenue si rare.

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  2. Oum Roumayssa

    subhanaAllah, très belle histoire, j’aime le Maroc et ces gens si humbles, je ne suis pas Marocaine mais j’ai découvert des qualités humaines, la générosité

    qu’Allah te récompense ma chère sœur, qu’Allah le preserve ce cordonnier et qu’Allah Ar Razzaq augmente sa subsistance

    Réponse

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